Monsieur le préfet,
Monsieur le ministre,
Monsieur le maire de Marolles-les-Buis,
Monsieur le député,
Monsieur le sénateur,
Monsieur le sous-préfet,
Madame et Monsieur les conseillers départementaux,
Mon Colonel, chef de corps de l’UIISC1
Mon Commandant, commandant la compagnie de gendarmerie de Nogent le Rotrou
Mesdames et Messieurs les élus
Mesdames et Messieurs les représentants d’unités en tenue,
Mesdames et Messieurs les représentants d’association,
Mesdames et Messieurs, les membres de la famille Dutertre,
Cher Raymond Dutertre,
Mesdames et Messieurs,
C’est un moment assez exceptionnel que nous allons vivre dans quelques instants, au moment où Monsieur Raymond Dutertre va recevoir les Insignes de Chevalier de la Légion d’Honneur.
Cette cérémonie n’est en effet pas une cérémonie comme les autres car la décoration qui va être remise n’est pas une médaille semblable aux autres.
C’est la première d’entre toutes.
La Légion d’honneur est une institution illustre qui est liée intimement à la République et aux valeurs qu’elle porte.
Elle distingue depuis plus de deux siècles des hommes et des femmes qui font la fierté de notre pays.
« Établir un ordre qui fût un signe de la Vertu, de l’Honneur, de l’Héroïsme : une distinction qui servît à la fois à la bravoure et au mérite civil » telle était la définition qu’en donnait son créateur, Napoléon Ier.
Il me paraît, à cet égard, essentiel de rappeler que la Légion d’Honneur est décernée au nom de la Nation; on l’oublie parfois.
Et aujourd’hui nous participons plus particulièrement à l’hommage de la Nation envers la génération de la Seconde guerre mondiale.
Ainsi, alors que nous venons de commémorer, au cours de l’année 2024, le 80e anniversaire des débarquements et de la libération du territoire, c’est à dire de la victoire de la liberté, il était important que la France rende un hommage solennel à une génération qui a tant donné pour notre Pays.
A cet égard, permettez-moi, monsieur Dutertre, de rappeler quelques éléments de votre vie, qui vous valent d’être distingué, au titre du contingent exceptionnel de novembre 2024.
Monsieur Dutertre, vous êtes né, à Saint Eliph, il y a près d’un siècle, le 1er septembre 1925.
Issu d’une famille de modestes journaliers, il vous faut travailler très jeune pour subvenir aux besoins quotidiens.
Actif, travailleur opiniâtre, vous avez eu une vie, personnelle et professionnelle, dense, variée et éprouvante, où le sens de l’effort et du don de soi étaient des vertus cardinales.
Vous avez notamment été apprenti maréchal-ferrant et forgeron mais aussi ouvrier agricole, à biner des betteraves, porter des sacs de pommes de terre et des ballots de paille mais vous avez aussi travaillé chez Citroën, ainsi que dans une entreprise du bâtiment comme conducteur de poids lourds, pour finir votre vie active – comme si la retraite n’était pas une période d’activités- dans une usine de construction de matériel agricole.
S’il nous revient de rendre hommage à votre courage et à votre engagement professionnels, ce sont vos activités pendant la Seconde Guerre Mondiale qui appellent la reconnaissance de la nation, en ce jour.
Le 1er septembre 1940, le jour pile de vos 14 ans, c’est la déclaration de guerre.
Vous vivez, avec votre famille, l’exode jusqu’à la Loire où l’Armée française vous fait faire demi-tour et vous revenez à La Loupe; vous y connaissez les vicissitudes de la vie sous l’occupation.
C’est là que, apprenti maréchal-ferrant, vous avez vent de parachutages et d’actions de la Résistance.
A l’occasion de soins prodigués à des animaux, et surtout après l’abattage clandestin d’une vache – l’histoire ne dit pas si vous aviez pour devise « mort aux vaches », vous rencontrez le lieutenant Renauldon (alias Rhône), vétérinaire à la Loupe, et Jean Stiesz (alias Sixte) vétérinaire à la Loupe, agissant sous les ordres du capitaine Herbelin (alias Duroc) qui vous recrutent : vous devenez un Résistant.
En effet, après le débarquement, il fallait des hommes, à la fois pour entraver les actions des Allemands et pour faciliter la progression des Alliés ; vous faites ainsi partie de ceux qui, aux ordres de Maurice Clavel (alias Sinclair), chef des FFL en Eure et Loir et Silvia Monfort, se regroupent, le 8 juin 44, dans une vieille ferme au lieu-dit « les crottes ».
Le 17 juin, la ville de la Loupe est bombardée et, après une période de « discrétion », vous rejoignez le maquis de Plainville sur le territoire de la commune de Marolles les Buis, ici-même ; nous sommes le 2 ou 3 juillet 1944.
Au maquis vous êtes chargé de la popote pour 170 hommes et vous participez avec trois autres copains de Saint-Eliph, à l’aménagement du site, en, construisant des cabanes en bois.
Mais vous participez aussi aux actions clandestines, notamment pour des sabotages ou pour la réception de parachutages.
Un coup de main vous a particulièrement marqué lorsque, accompagnant Jean Renauldon, vous détruisez une ligne téléphonique avec une charge incendiaire un peu forte – un véritable feu d’artifice pas vraiment discret : de ce jour, votre modestie ou humilité ne pourront plus masquer le fait que, dans la Résistance, vous avez fait des étincelles.
Apothéose, le 8 août 1944, vous êtes 160 maquisards à quitter le maquis de Plainville pour aller, à travers champs, libérer Nogent le Rotrou.
Et le grand bonheur d’être présent lorsque Émile Maquaire accroche le drapeau français au sommet du donjon du château de Nogent.
Un événement impensable vous arrive, le 23 août : vous avez le privilège de rendre les honneurs au général De Gaulle qui se rendait à la mairie de Nogent ; son attention est alors attirée par votre jeune âge et il vient vous féliciter.
Fin août, vous vous engagez au titre du 2ème bataillon de marche d’Eure et Loir et vous êtes envoyé sur la Loire pour attendre les Allemands qui revenaient du Sud, après le débarquement en Provence, puis dans la Nièvre.
Après un certain passé à la caserne de Dreux, vous êtes affecté à Mailly, dans l’Aube, au service de l’armée américaine ; vous assurez la protection de points sensibles de la région.
Ce n’est que fin août 1945 que vous revenez à Chartres où vous êtes démobilisé, fin novembre, le jour de la Saint André.
Mesdames et Messieurs à l’énoncé rapide de la vie de M. Dutertre, vous comprenez qu’il est l’un des visages de la mémoire nationale ; de notre mémoire.
En s’engageant avec courage et humilité, il est devenu un symbole et une référence.
Rendre hommage à nos Aînés, c’est aussi encourager les nouveaux combattants, qui marchent dans les pas de leurs Anciens et continuent de s’engager – pour et au nom de la France – et de défendre, partout dans le monde, la liberté et le respect de la dignité humaine.
A cet instant, ayons une pensée, Monsieur Dutertre, pour ceux de vos compagnons qui sont tombés ou nous ont quittés.
Ils sont là, à vos côtés, ces anciens du maquis ; ils ont posé leur main invisible sur votre épaule.
Ils s’appellent Gourci, Herbelin, Maquaire, Renauldon, Stiesz, et autres : ils sont fiers pour vous et avec vous.
Appuyons-nous sur les qualités de cœur et la grandeur d’âme qui vous ont porté dans les périodes les plus décisives, voire les plus douloureuses de votre vie et montrons la voie à celles et ceux qui, après nous, porteront le flambeau.
Raymond Dutertre, soyez fiers de la distinction que vous allez recevoir. Elle vous honore et rend hommage à ce que vous avez fait pour la Nation ; pour nous. Mais sachez aussi qu'elle honore la République au nom de laquelle elle vous est remise et que vous avez su si bien servir.
Continuez, une fois Légionnaire, à être la référence de cette mobilisation toujours renouvelée au service des valeurs de la France : celles de l’humanisme, de la foi, de la volonté, du courage, de la solidarité et de l’espérance.
Continuez à témoigner inlassablement auprès de nos concitoyens, et tout particulièrement des jeunes, tant des établissements scolaires que de l’UIISC1, qui vous admirent et vous aiment et auprès de tous ceux qui viennent au maquis.
C’est dans cet esprit, et en pensant à tous ceux qui, comme vous, ont donné de leur vie pour que, aujourd’hui, nous vivions libres, que je citerai pour terminer Jean MOULIN intervenant, en 1940 au 17ème congrès des Anciens Combattants, Mutilés et Victimes de Guerre d’Eure et Loir, il y a 85 ans, quelques semaines avant l’invasion de la France :
« Autour du drapeau doit se réaliser l’union des Français décidés à ne pas se courber devant la force et à sauvegarder l’héritage sacré des libertés pour lesquelles tant d’entre vous ont donné leurs vies ».
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