Extrait du discours du Baron Antoine de Layre prononcé le 8 avril 1947 … Avec le groupe d’Auneau.
« ... Puis ce fut la libération de Nogent-le-Rotrou où, s’il y eut de nombreux blessés, le maquis ne subit pas de nouvelles pertes. Enfin c’est le départ pour la libération de Chartres.
Dès l’arrivée aux abords de Chartres Jean-Louis Kervazo et Henri Loodge étaient frappés à mort dans un décor inoubliable: au milieu de l’incendie des moissons, des fermes brûlaient de chaque côté de l’horizon. Les tanks dressaient leurs silhouettes sinistres dans un nuage de fumée, de poussière et de poudre et pour rehausser ce tableau, de gros nuages d’orage roulaient dans le ciel, poussés par un vent de tempête et, dominant la plaine en flammes, la silhouette de la cathédrale se dressait à l’horizon comme un appel. Après l’échec de cette journée nous espérions, coûte que coûte, arriver à l’aide de Chartres et ce fut la triste journée où tant des nôtres tombèrent.
L’inexpérience d’une colonne américaine fit qu’un premier groupe lancé sur la route de Marboué alla se faire hacher dans un piège. D’autres tombèrent fièrement en partant à l’attaque des positions de Thivars et nous n’avons rien pu faire pour aller à leur secours. Trois d’entre nous disparurent et nous ne savions pas ce qu’ils étaient devenus : la plaine de Beauce a gardé son secret. J’aurais voulu évoquer chacun en particulier mais l’existence du maquis fut trop brève pour que nous puissions tous nous bien connaître, aussi je ne parlerai simplement que des deux que j’ai le mieux connu.
J’évoquerai le souvenir de ce charmant Daisy, toujours prêt à rendre service, toujours simple et souriant ; dès son arrivée il fut de tous les coups durs. Après le transport des armes il choisissait toujours la place où il pouvait rendre service à un camarade de combat. Dès le premier accrochage il assura la garde et les soins d’un camarade grièvement blessé, caché sous des gerbes d’avoine à courte distance d’un poste ennemi. Peu après, je me le rappelle encore, courant et appelant un de ses camarades pour qu’il ne s’avance pas trop à l’attaque avant qu’il ne lui amène les grenades dont il pouvait avoir besoin, car son rêve n’était pas seulement de risquer sa vie pour la France, mais de le faire en aidant et secourant ses compagnons.
Je reverrai également toujours Alain, ce chef intrépide, et entraîneur d’hommes remarquable, plein d’entrain d’allant et de foi. Je le revois encore dans un premier coup dur où la lâcheté d’un chef avait amené une triste situation. Il était seul sur la route, désespéré, maudissant les ordres mauvais et rapidement il reprit en main ses hommes toujours prêts à le suivre. Je le revois encore, après la prise de Nogent où par son entrain et sa fougue il avait avec quelques rares combattants gardé seul le contact avec l’ennemi. Je le revois encore avant la montée sur Chartres, alors que l’on demandait des volontaires, se présenter avec ses hommes en disant : ‘’Auneau, tous volontaires ! ‘’ car avec un tel chef il ne pouvait y avoir d’hésitants. Je le revois encore, dans le convoi qui montait sur Chartres, nous étions côte à côte, me demandant de lui promettre de rester toujours son ami après la guerre, et dans cette journée glorieuse et enivrante où nous traversions des villages enfin délivrés, ce fut pour moi une des plus grandes récompenses que la confiance de cet homme que j’admirais profondément et du fond du cœur. Je le revois encore, hélas partant avec ses hommes à l’attaque de la Cavée et ce fut pour moi une grande tristesse quand nous vîmes qu’il n’avait pas rejoint. Quelques jours plus tard quand je sus que son corps n’avait pas été retrouvé, je partis à sa recherche poussé par la certitude de le découvrir et l’instinct me poussa droit à la clairière où il était tombé couché sur son bras à l’endroit où les allemands l’avaient entrainé et sauvagement achevé. »
Komentar